Savoie et Aoste

Savoie et Aoste, cœur du peuple arpitan

L’Arpitanie désigne l’ensemble des terres qui ont traditionnellement l’arpitan pour langue minoritaire. Peuplé dès le paléolithique, le pays s’étend sur les frontières de trois États européens, la France, l’Italie et la Suisse.

Le drapeau créé par l’Aliance culturèla arpitanna, reprend les couleurs burgondes, les douze étoiles symbolisent la dimension européenne de l’aire linguistique, agrémentées du rozon traditionnel. Il existe un autre drapeau datant des années 1970 qui est essentiellement utilisé par le Mouvement arpitan du Val d’Aoste. Il reprend les couleurs valdôtaines, valaisannes et savoyardes, rouge, noir et blanc, avec la croix de Savoie et trois étoiles qui les représentent.

Diverses tribus celtes s’installèrent sur les terres arpitanes, celle des Allobroges étant la plus connue. Elles se trouvent rapidement intégrées dans le Royaume de Bourgogne, comprenant la Burgondie et la Sapaudie (Savoie). C’est au cœur du royaume que l’évolution du latin donnera naissance à la langue arpitane.

Le concept de l’Arpitanie date des années 1970. Un parti valdôtain, le Mouvement arpitan, reprend l’ancien terme « arpitan », formé à partir de la racine pré-indo-européenne « alp », dans sa variante dialectale moderne « arp », qui désignait les pâturages de montagne. Il s’agissait alors de lever la confusion générée par le terme francoprovençal inventé en 1873, et qui définissait la langue d’après ses caractéristiques phonétiques.

Le terme « Arpitan », désigne alors la langue d’après les caractéristiques sociales du peuple qui la parle, c’est la langue des Arpians, les bergers. La conscience arpitane se développe au XXe siècle, quand les groupes de locuteurs de la langue vernaculaire prennent l’initiative d’organiser, de façon régulière, des rencontres internationales, dans l’une ou l’autre des régions de l’Arpitanie. Bien que conscients de parler la même langue, quoique riche en particularismes locaux, les habitants continuent à se réclamer de leur région historique, la Savoie et le Val d’Aoste étant les deux régions les plus emblématiques de ce vaste territoire.

Carte d’identité

NomArpitania | francoprovençal
Arpitanie | français
Arpitanien | allemand
Population 7 000 000 hab.
Superficie60 000 km²
LanguesArpitan | francoprovençal
Français
Italiano | italien
Deutsch | allemand, alémanique des Walser
Nombre de locuteurs 140 000 | francoprovençal (1998)
État de tutelle France, Italie, Suisse
Statut officiel Pas de statut particulier (Départements en France, cantons en Suisse, Région autonome du Val d’Aoste en Italie)
CapitaleChamèri | francoprovençal
(Chambéry)
Aosta | francoprovençal
(Aoste)
Religion historique Chrétiens catholiques et protestants
DrapeauLo rozon | francoprovençal
(La rosace)
HymneLes Allobroges | français (Savoie)
Montagnes valdôtaines | français (Aoste)
DeviseFier et a l’abada tanqu’a la fin | francoprovençal
(fier et libre jusqu’à la mort)

Chronologie

  • 443 • Fondation du royaume des Burgondes en Sapaudia.
  • 888 • Second Royaume de Bourgogne : berceau de la langue arpitane, s’étendant autour de l’axe Lyon-Genève.
  • 1860 • La Savoie est annexée à la France après un « plébiscite » napoléonien (99,8 %).
  • 1943-1945 • La Vallée d’Aoste se libère par la lutte armée du joug fasciste.
  • 1948 • La Vallée d’Aoste devient une région autonome.
  • 1973 • Naissance d’une conscience arpitane : un mouvement valdôtain propose une nouvelle graphie pour la langue et demande l’union et la libération de l’Arpitanie.
  • 2000 • Après la percée indépendantiste savoyarde aux élections de 1998, un sondage CSA rapporte que 23 % des habitants de la Savoie seraient favorables à l’indépendance.
  • 1998-2003 • Le linguiste Dominique Stich donne une orthographe standard à l’arpitan, l’ORB, offrant un outil pour l’intercompréhension à l’écrit entre les nombreuses variantes.

Zoom historique

L’un des faits marquants de l’histoire de l’Arpitanie demeure l’Annexion de la Savoie par la France. Ce terme est préféré par certains historiens à celui de « rattachement », utilisé dans les manuels scolaires. Malgré des périodes d’occupation plus ou moins courtes, la Savoie a été le plus souvent indépendante ou à la tête de territoires plus vastes. Ce n’est qu’en 1860 que le traité de Turin et un référendum considéré aujourd’hui comme truqué (99,76 % des 130 839 électeurs ayant voté pour le rattachement), que la Savoie devient française. Le traité de Turin était en fait une tractation entre la France et le Royaume de Piémont-Sardaigne qui souhaitait unifier l’Italie en s’accordant les faveurs de son voisin français, le plus paradoxal étant que ce royaume était dirigé par la Maison de Savoie. Ce traité est considéré comme beaucoup de Savoyards comme caduque, ses termes n’ayant pas été respectés.

Géographie

L’Arpitanie est le territoire de peuplement des populations de langue francoprovençale, appelée aussi arpitan. Ainsi à l’ouest se trouvent les monts et plaines du Forez, le massif du Pilat, les monts du Vivarais, du Beaujolais et du Lyonnais. Au centre, le territoire est traversé du nord au sud par la vallée du Rhône, qui marque la frontière historique entre la France et la Savoie. De part et d’autre, on trouve de larges étendues au relief peu marqué (Bresse, Dauphiné, Dombes) ou plus accidenté (Bugey). À l’est, la région est à nouveau montagneuse, (Jura et Alpes). Plus à l’est encore, en Val d’Aoste ou en Valais se trouvent le Mont-Blanc – limitrophe avec la Savoie – le Mont Rose, le Cervin, le Grand Paradis, la Tête du Rutor. Dans toute l’Arpitanie, la toponymie est marquée par la présence de l’arpitan. Lyon est la ville principale de ce vaste espace alpin et pré-alpin. D’autres villes comme Grenoble, Genève, Lausanne ou Saint-Étienne marquent le territoire, composé de très nombreux pays (18 représentés sur la carte) et divisé entre trois États (France, Suisse et Italie).

Focus sur la Savoie

Le drapeau de Savoie reprend les armoiries de la Maison de Savoie. Il s’agit de la croix de Saint-Jean, blanche sur fond rouge, qui est un des drapeaux les plus anciens connus.

Annexée très tardivement par la France, lors du Traité de Turin, en 1860, la Savoie a gardé et garde encore vivant un fort attachement à ses anciennes gloires. Les dynasties de souverains savoyards datent du XIe siècle. Ducs à partir du XVe siècle, ils étendent leurs possessions à la Sicile et la Sardaigne en 1720 pour créer les États de Savoie, puissance reconnue au niveau européen. Son nom originel latin, Sapaudia, qui signifie sapin en francais, en référence aux nombreux conifères peuplant les versants de ses hautes montagnes. Véritable territoire tampon entre les mondes francs, italiques et germaniques, la Savoie faisait partie de la Lotharingie avant de devenir un État souverain au XVIe siècle. En 1919, l’État français met fin à la neutralité de la Savoie contrairement au termes du traité de Turin. Il sera condamné par le tribunal international en 1932 sans que cela ait d’effet réel. Cette histoire mouvementée explique le succès remporté par les mouvement séparatistes et régionalistes savoisiens (termes qu’ils préfèrent à savoyard à consonance péjorative). Le Mouvement Région Savoie fondé en 1971 milite depuis cette époque pour plus d’autonomie. Depuis le début des années 1990, les partis politiques en lice (dont la désormais célèbre Ligue savoisienne) remportent de nombreux succès électoraux. En effet, dans un sondage récent 23 % des Savoyards se déclaraient favorables à l’indépendance. Composée de six provinces (Savoie ducale, Chablais, Faucigny, Tarentaise, Maurienne, Genevois), la Savoie fait partie de l’ensemble arpitan. Les locuteurs d’arpitan ou francoprovençal y sont encore nombreux.

Focus sur le Val d’Aoste

Faisant partie de l’ensemble arpitan au même titre que la Savoie, le Val d’Aoste est un territoire particulier en raison de plusieurs caractéristiques originales. Tout d’abord, il est inclus dans l’État italien, où il bénéficie depuis 1948 d’un statut d’autonomie spécial. Il le tient en grande partie du fait de sa particularité linguistique. L’arpitan (francoprovençal) y est pratiqué par une grande partie de la population. Avec une superficie de 3 263 km², le Val d’Aoste borde le canton du Valais au nord, la Savoie à l’ouest, séparé par le Mont Blanc et le Piémont au sud et à l’est. Région de montagnes, le Val d’Aoste, tire son nom d’Augusta Praetoria, la capitale ayant été créée en l’honneur d’Auguste. Les Bourguignons y régneront à partir du Ve siècle durant cinq siècles, suivis des Lombards et des Francs. Rattaché dès le XIe siècle à la Savoie, le Val d’Aoste a toujours conservé un large degré d’autonomie en tant que Duché, même après son rattachement à l’Italie en 1861. Sous le joug fasciste, la politique assimilatrice aura de graves conséquences sur la pratique linguistique : le français n’y est plus enseigné à partir de 1925 et les toponymes y sont remplacés par des noms italiens en 1939. Au sortir de la guerre, Federico Chabod, le président valdôtain obtient un statut spécial pour le Val d’Aoste. À peine peuplé de plus de 120 000 âmes, le Val d’Aoste, dont les langues officielles sont l’italien et le français, est aujourd’hui une région prospère entretenant de plus en plus de liens avec ses voisins arpitans.

Langues

Arpitan


L’arpitan (également appelé francoprovençal, à ne pas confondre avec le provençal), est parlé dans les pré-Alpes et en Savoie, au sud de la Romandie et dans le Val d’Aoste. Il s’agit d’une des principales langues gallo-romanes. Repérée seulement au XIXe siècle, ses spécificités et ses frontières n’ont été définies qu’au cours du XXe siècle, ce qui explique qu’elle soit si mal connue. Sa riche littérature a commencé dès la fin du XIIIe siècle et s’est poursuivie sans interruption jusqu’au XXIe siècle. La vallée du Lys, entre Val d’Aoste et Piémont, est cependant peuplée de descendants d’une population germanophone, les Walser. Elle ne bénéficie pas d’une large promotion contrairement à d’autres langues minoritaires. Son avenir paraît malheureusement très incertain.