Sorabie, la résurrection après l’oppression
Les Sorabes, se dénommant eux-mêmes Wendes, sont les derniers survivants des Slaves de l’ouest en territoire allemand. Ils occupaient une large partie de ce qui est aujourd’hui l’Allemagne orientale et la Pologne occidentale.
Les Sorabes habitent la Lusace, à cheval sur deux Länder allemands (Brandebourg et Saxe où ils sont reconnus comme minorité), à proximité des frontières tchèques et polonaises. Utilisant deux variantes linguistiques distinctes, le bas-sorabe en Basse-Lusace et le haut-sorabe en Haute-Lusace, les Sorabes ont pâti au cours de leur histoire de la domination germanique, jusqu’à une certaine reconnaissance après la Seconde guerre mondiale. Estimée à plus de 300 000 personnes aujourd’hui, seule une partie de la population est recensée comme étant sorabe en fonction de la langue, qui serait pratiquée par 30 000 personnes surtout en Haute-Lusace.
Hormis le régime nazi, c’est sous le joug de la RDA que les Sorabes ont le plus souffert. Disposant d’une protection de façade, les Sorabes ont perdu plus de 40 % de leur territoire, envahi par des mines de lignites et des centrales nucléaires.
Après l’effondrement du bloc communiste, prenant conscience de la richesse de leur identité, les Sorabes ont repris goût à la liberté d’exprimer leur culture, notamment grâce à l’association « Domowina », interdite sous le régime nazi. Depuis 1998, certaines écoles maternelles enseignent le sorabe par « immersion ». Malheureusement, l’enseignement bilingue n’est pas généralisé, ce qui est un risque pour la survie de la langue.
Depuis 2003, un parti politique s’est constitué afin de défendre les intérêts sorabes. Il s’agit du « Serbska Ludowa Strona – Wendische Volkspartei », aux scores modestes.
Carte d’identité
Nom | Serbja | haut sorabe Serby | bas sorabe Sorben / Wenden | allemand (Sorabie) |
Population | 1 600 000 hab. (Lusace, dont environ 80 000 Sorabes) |
Superficie | 10 800 km² |
Langues | Serbšćina/Serbska | sorabe Hornjoserbsce | haut sorabe Dolnoserbski | bas sorabe (sans statut officiel) Deutsch | allemand (officielle) |
Nombre de locuteurs | 20 000 | sorabe (2007) |
État de tutelle | Allemagne |
Statut officiel | Aucun statut |
Capitale | Chóśebuz | bas sorabe Choćebuz | haut sorabe Cottbus | allemand (Basse-Lusace) & Budyšin | haut sorabe Budyšyn | bas sorabe Bautzen | allemand (Haute-Lusace) |
Religion historique | Chrétiens protestants et catholiques |
Drapeau | Chorhoj Serbow | haut sorabe (Drapeau sorabe) |
Hymne | Rjana Łužica | haut sorabe Rědna Łužyca | bas sorabe (Magnifique Lusace) |
Devise | Pas de devise |
Chronologie
- 400-600 av. JC • Premiers peuplements wendes et création des « rondins » (une forme particulière d’habitat).
- 950-13 av. JC • Début de la christianisation et de la germanisation des tribus wendes.
- XIVe-XVIIIe • Assimilation progressive des territoires sorabes.
- 1700 • Première Bible éditée en bas-sorabe.
- XVIIIe-XIXe • Essor de la littérature et du secteur associatif.
- 1900 • Premières interdictions d’utilisation de la langue en Basse-Lusace.
- 1933-1945 • Sous le régime nazi, déportation des activistes sorabes en Sibérie.
- 1948 • Première « loi sorabe », protégeant de facto la minorité sorabe tout en détruisant le territoire.
- 1998 • Après la chute du mur de Berlin, efforts massifs pour déployer et conserver la culture et la langue sorabes.
Zoom historique
L’histoire sorabe est faite de domination. Déjà en 938, le margrave de Merseburg invite les chefs des tribus wendes, ancêtres des Sorabes, afin de mener des négociations de paix. Mais cette invitation tourna au carnage et les princes wendes furent décapités, prémices d’une germanisation forcée. Le paroxysme de la persécution des Sorabes est atteint lors du régime nazi, les patriotes sorabes étant exilés de force. Ce n’est qu’en 1945, que la dictature est-allemande promeut réellement la culture sorabe, non sans condition d’adhésion au régime. Cette période faste n’est pas sans conséquence pour la culture et la langue sorabe aujourd’hui. En effet, à la chute du mur, certains ont fait hâtivement le lien entre dictature communiste et protection de la minorité sorabe. Aujourd’hui la situation s’améliore mais reste critique. L’enseignement obligatoire pourra peut-être permettre de sauver la langue.
Géographie
Les Sorabes se trouvent en Lusace, région située à cheval entre l’Allemagne, la Pologne et la République tchèque. Deux villes se partagent ce petit territoire : Bautzen au sud, la capitale de la Haute Lusace et Cottbus au nord, la capitale de la Basse-Lusace. La langue sorabe est très présente au sud. Fortement marquée par l’industrie charbonnière, la Lusace s’est lancée dans l’aménagement des friches pour en faire des espaces de loisirs. Des lacs artificiels y ont été créés récemment. En plus de ces deux territoires, aujourd’hui reconnus bilingues en Saxe et en Brandebourg (les deux Länder allemands dans lesquels elle se situe), la Lusace est historiquement plus étendue. Elle déborde sur la Pologne à l’est et la République tchèque au sud. Les populations sorabes n’y vivent plus.
Langues
Serbska
Le sorabe se divise en deux variétés, le bas-sorabe et le haut-sorabe. Il s’agit d’une langue slave de l’ouest, apparentée au polonais et au tchèque. Le sorabe est pratiqué par près de 20 000 des 80 000 personnes recensées dans la région qui compte 1 600 000 personnes. Il bénéficie d’un statut relativement faible, octroyé par les deux Länder allemand de Brandebourg et de Saxe. Ces derniers affichent toutefois une politique volontariste, en particulier pour ce qui concerne la promotion de la langue. L’enseignement facultatif ne permet pas sa diffusion, qui s’opère souvent par voie familiale. Un journal quotidien Domowina permet toutefois de créer un réel lien entre les locuteurs de cette langue slave.
Zoom politique
Les Sorabes sont reconnus en tant que minorité en Allemagne quoique cette reconnaissance soit relativement timide. Il existe une sorte de statu quo qui consiste pour les Sorabes à ne pas s’engager sur le terrain politique, comme si cela était tabou. Cette attitude de méfiance vis-à-vis de la vie publique est peut-être due à l’histoire mouvementée de la région. Le fait est que les représentants des principales associations culturelles de la région s’étaient prononcés, jusqu’à une date récente, contre la création d’un parti spécifique. En 2005, le Parti populaire sorabe (Serbska Ludowa Strona (SLS) Wendische Volkspartei) est pourtant apparu sur la scène politique. Il se considère comme le parti de la minorité sorabe en Lusace, revendiquant une vraie politique linguistique et un renforcement du fédéralisme allemand. Craignant d’être plus fortement assimilé par une fusion du Land de Berlin et du Brandebourg, le SLS rejette cette option.