De nombreux peuples vivent en situation minoritaire à travers le monde, notamment en Europe. Les cas les plus emblématiques sont certainement ceux du Tibet, du Kurdistan et de la Tchétchénie, qui illustrent la diversité du phénomène minoritaire sur notre planète. En effet, même s’il est a priori facile de faire un parallèle entre ces trois territoires, leur histoire, leur position vis-à-vis de l’État central, leurs moyens de lutte sont très différents sur bien des aspects.
Tibet
Le Tibet, tout d’abord, composé selon les Tibétains d’un territoire linguistiquement homogène est appelé par le gouvernement en exil « grand Tibet historique ». En effet, même si les Tibétains disposent d’un territoire propre au sein de la Chine populaire, celui-ci est dépecé. Ce que les Chinois appellent Tibet ne correspond pas à la vision tibétaine. Deux autres régions (Qinghai et une partie du Sishuan) font partie du Tibet historique, où on compte un peu plus de 6 millions d’habitants. Plus de 150 000 Tibétains vivent actuellement en exil, principalement en Inde, à l’image du Dalaï-Lama, le chef spirituel, qui s’est enfui en 1959, lors des révoltes qui ont fait plusieurs dizaines de milliers de victimes. Avant l’invasion du pays par la Chine à cette date, le Tibet oscillait entre plusieurs régimes qualifiés de féodaux par les opposants. Actuellement la moindre opposition au régime chinois ou manifestation autonomiste et indépendantiste est réprimée, souvent dans le sang, comme en 1989 où une manifestation a fait 450 morts.
Kurdistan
Le Kurdistan (Kurdewarî) est un vaste territoire partagé, dès le Moyen Âge, entre ce qui est aujourd’hui la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie. Les Kurdes disposent dans ces différents pays de statuts totalement différents. En Irak, en 1987, les Kurdes obtiennent une forte autonomie leur permettant d’exprimer leur culture, leur langue et de bénéficier des richesses naturelles de leur territoire. Ce statut a été obtenu après une forte répression qui a causé la mort de plus de 200 000 personnes sous le régime baasiste de Saddam Hussein, masqué par l’octroi de droits en trompe l’œil. Après la première guerre mondiale et la disparition de l’Empire ottoman, il était prévu la création d’un État kurde, projet rapidement avorté. Les États occidentaux, dominant la région à l’époque, écrasèrent la moindre révolte. En Turquie, la situation n’a guère été plus favorable. En effet, depuis les années 1920, elle a mené une politique de répression en pratiquant la déportation massive et la « turquisation » de la région. Des mouvements politiques d’opposition s’y sont formés, notamment, en 1978, la création du PKK (Parti du Peuple du Kurdistan) qui mène des opérations de guérilla. Cette situation attise le sentiment anti-kurde du côté turc, amenant le gouvernement à des arrestations abusives d’élus (députés, maires de grandes villes) pour le simple fait parfois d’avoir utilisé publiquement la langue kurde. Ces agissements dénoncés maintes fois par les organisations internationales dont l’Union européenne, ternissent l’image de la Turquie. En effet, en écrasant le peuple kurde, l’assimilant de manière agressive et ne lui laissant pas de place dans le débat public, la Turquie ne se grandit pas par de tels pratiques. Les Kurdes en sont malheureusement les premières victimes.
Tchétchénie
Sur les trois exemples de peuples minoritaires dans le monde, la Tchétchénie a fait couler beaucoup d’encre et de sang. La République tchétchène, nommée Itchkérie par les indépendantistes, est un territoire sous administration russe dans le Caucase. Cette partie du monde concentre un très grand nombre de peuples d’origines très divers (caucasiens, indo-européens, turcs et mongols). Cette mosaïque concentre un grand nombre de conflits à l’impact médiatique planétaire : Abkhazie et Ossétie du Sud en Géorgie, Nagorno-Karabakh en Azerbaïdjan et Tchétchénie en Russie. Même si la région n’a été indépendante qu’une très courte période en 1995, les Tchétchènes luttent depuis le XVIIIe sicèle contre la domination russe. La région autonome est fondée en 1922, changeant de statut au cours des décennies et des bouleversements politiques en Russie puis en URSS. Culturellement et linguistiquement la Tchétchénie est très proche de l’Ingouchie voisine, région avec laquelle son sort a souvent été lié. Ses bases culturelles musulmanes et claniques fondent la société. En effet, les Tieps, alliances par clan, ponctuent la vie politique et sociale. Les deux conflits qui ont marqué la fin des années 1990 sont plus complexes qu’il n’y paraît. Ils ont commencé par la déclaration unilatérale d’indépendance des autorités tchétchènes instaurant le régime de la charia (loi islamique) et s’alliant avec les Talibans au pouvoir en Afganistan. Ils ont fait plusieurs dizaines de morts et déplacé 350 000 personnes. L’autonomie de la Tchétchénie n’a pas été remise en question après le conflit et le pouvoir des autorités locales y est très fort malgré la vassalité vis-à-vis du régime de Moscou. Les combattants tchétchènes dont la stratégie d’alliance a été contestée continuent néanmoins de lutter contre le pouvoir russe, mais aussi contre les autorités tchétchènes actuellement en place, c’est à dire le clan Kadyrov.