Frise

Frise, peuple nostalgique de la mer du Nord

Répartis entre l’Allemagne et les Pays-Bas, les Frisons sont riches de leurs différences. Trois régions se distinguent : l’ouest, l’est et le nord. Ils parlent trois langues différentes aux racines communes, c’est à dire appartenant au groupe anglo-frison.

Depuis le XIe siècle, le nénuphar représente la Frise. C’est à la fin du XVIIIe siècle que les Frisons occidentaux créent un drapeau aux nénuphars, adopté officiellement par la province de Fryslân en 1958. Le Groep fan Auwerk propose en 2007 au Conseil interfrison un drapeau représentant l’ensemble des régions frisonnes. Le nénuphar pour l’ouest, les différentes couleurs pour l’est et le nord. Non adopté officiellement, un concours est actuellement lancé pour doter les Frisons d’un drapeau unitaire.

La Frise est située sur une zone qui s’étend du lac d’IJssel jusqu’à la frontière germano-danoise. Entre ces deux points, les Frisons habitent une bande longeant la côte sur 60 km. La Frise est mentionnée à l’époque romaine par l’historien Tacite, sous le nom de Frisii. Aux VIe et VIIe siècles, les chroniques franques mentionnent aussi le royaume des Frisons. Le roi Aldegisl est le premier à être connu par son nom. Son successeur, Redbad, roi païen, bat Charles Martel à la bataille de Cologne. Autour de l’an 700, le territoire frison s’étend de Bruges (Belgique) à la Weser en Allemagne. Après 1500, la Frise, conquise par d’autres États, est dépecée, et même si la langue disparaît de ces contrées, le sentiment d’appartenance frison y reste fort.

Aujourd’hui, Ljouwert avec ses 95 000 habitants est la plus grande ville de Frise. On compte en Frise occidentale (Fryslân) 350 000 locuteurs natifs de frison, en Frise orientale, 2 000 personnes qui pratiquent la langue en Saterland (Frise orientale), et en Frise septentrionale

10 000 locuteurs. Le bas-allemand imprégné de vocabulaire frison y est également parlé. Dans la province de Groningue la langue pratiquée est très proche du frison-occidental. Mais le sentiment d’appartenance frisonne des Groninguais n’est pas très fort.

Carte d’identité

NomFryslân | frison occidental
Fraschlönj | frison septentrional
Friislon | frison septentrional
Friisklun | frison septentrional
Fräislound | saterlandais
Freesland | bas-saxon/bas-allemand
Friesland | allemand, néerlandais
Frisland | danois
(Frise)
Population 2 300 000 hab. (dont 649 944 dans la Province de Fryslân et 165 507 dans le Kreis de Nordfriesland) (2020 & 2018)
Superficie14 000 km²
LanguesFrysk | frison occidental
Frasch | frison septentrional (Mooringer Frasch standard écrit)
Seeltersk/Fräisk | saterlandais
Nedersaksisch/Plaatdüütsch | bas-saxon/bas-allemand
Deutsch | allemand
Nederlands | néerlandais
Dansk | danois
Nombre de locuteurs600 000 | frison occidental (2004)
10 000 | frison septentrional (2011)
1 500 à 2 500 | saterlandais (2001)
État de tutelle Allemagne, Pays-Bas
Statut officiel Province aux Pays-Bas, Kreise en Allemagne
CapitaleLjouwert | frison occidental
Leeuwarden | néerlandais
&
Hüsem | frison septentrional
Husum | allemand
&
Auerk | saterlandais
Aurich | allemand
Religion historique Chrétiens protestants
DrapeauYnterfryske Flagge | frison occidental
(Drapeau interfrison)
HymneDe âlde Friezen | frison occidental
(Les vieux Frisons)
Devise Pas de devise

Chronologie

  • Ve • Premiers écritures runes frisons.
  • 716 • Bataille de Cologne. Le roi Redbad bat les Francs dirigés par Charles Martel. Apogée de la langue frisonne.
  • XIIe • Début de la ligue Opstalboom et de la première législation écrite en langue frisonne.
  • 1520 • Mort de Pier Gerlofs Donia, leader de la résistance frisonne, autoproclamé roi des Frisons.
  • 1744 • La Frise orientale relève de la législation prussienne
  • 1879 • Première orthographe de la langue frisonne (frison occidental).
  • 1925 • Premier congrès interfrison, rassemblant des Frisons des trois régions.
  • 1951 • Kneppelfreed, émeute dans la ville de Ljouwert. Début de l’émancipation de la langue frisonne.

Zoom historique

En 1345, Guillaume IV de Hollande et Jean, duc de Beaumont, tentent de conquérir la Frise, en traversant la Zuiderzee avec une grande flotte. Aidés de chevaliers hollandais, français et flamands, ils accostent sur le rivage frison (Starum, Laaksum) et prévoient d’utiliser le monastère de Saint-Odulphus comme lieu de ralliement. Ne disposant d’aucun cheval, ayant préféré emporter des matériaux de construction, les chevaliers mettent à sac les villages abandonnés. Les troupes de Guillaume IV de Hollande seront mises en déroute par les paysans frisons qui les avaient entraînés dans des marais impraticables. Guillaume IV y perdra la vie. Lorsque Jean de Beaumont, allié des Hollandais, apprend la nouvelle, il ordonne la retraite. Cette date marque la détermination du petit peuple frison contre ses « grands voisins ». Plus qu’un acte de guerre, il s’agit d’un acte de bravoure pour maîtriser leur destin.

Géographie

La Frise se trouve sur les rives de la mer du Nord. Officiellement divisée entre deux États (Pays-Bas et Allemagne), son territoire historique est très vaste. Aujourd’hui, trois espaces se revendiquent encore frisons : Province de Frise, Frise orientale / Saterland et Frise septentrionale. À ceux-là viennent s’ajouter des territoires de culture frisonne, comme la province de Groningue, l’arrière pays de Wilhelmshaven et les régions historiques de Wuster et Rüstringen, près de Bremerhaven. Formée en partie au cours des deux dernières périodes glaciaires, il s’agit d’un territoire de polders (zones gagnées sur la mer). À leur arrivée les premiers habitants créent des petites collines où ils vivent (w(i)erden). Ils bâtissent ensuite des digues pour se protéger de la mer, modelant ainsi un paysage particulier, plat aux nombreux pâturages. La mer des Wadden s’étend de l’ouest vers le nord le long de la Frise sur 500 km environ. Les îles frisonnes forment un archipel qui s’étend sur tout le littoral. On compte quatre villes de plus de 50 000 habitants : Ljouwert : 91 000, Groningen : 180 000, Emden : 51 000 et Wilhelmshaven : 86 000. La plupart des Frisons vivent dans des villes moyennes ou à la campagne.

Focus sur la Frise occidentale

Le drapeau frison a été adopté officiellement par la province de Fryslân en 1957. Composé de quatre bandes bleues obliques sur fond blanc, les nénuphars rouges, souvent confondus avec des cœurs, sont utilisés depuis le XIe siècle. Le drapeau dans cette version est utilisé par les mouvements frisons depuis le milieu du XIXe siècle.

En 1997, la province de Frise occidentale change de nom et devient officiellement la Fryslân, nom frison qui remplace le nom néerlandais (Friesland) utilisé jusqu’à cette date. La Frise occidentale est la région frisonne comptant le plus de locuteurs natifs de frison. Peu de différences existent entre les dialectes de cette région. Ainsi en 1879, la première forme orthographique frisonne est adoptée. En 2007, 94% des Frisons déclarent comprendre leur langue et 74 % sont capables de la parler, 75 % peuvent la lire et 25 % l’écrire. Ainsi, être polyglotte est tout à fait normal pour les Frisons. La vie locale est rythmée par la langue, diffusée à la radio ou à la télévision. Le sport sur glace est un des éléments distinctifs des Frisons occidentaux. On peut citer en particulier le patinage sur glace ou le fierljeppen (Pultstockspringen en allemand) qui consiste en des sauts, aidés de perches, au dessus des cours d’eau. Les hivers rigoureux permettent d’utiliser les canaux gelés comme une grande patinoire. C’est ce que les Frisons appellent l’Alvestêdetocht, c’est à dire un tour de 200 km sur glace reliant de 11 villes. Enfin, les fameuses vaches frisonnes ou les tout aussi connus chevaux frisons font encore la réputation de la région.

Focus sur la Frise septentrionale

Le drapeau de la Frise septentrionale est appelé « jaune-rouge-bleu ». Inspirée des armoiries de la Frise du Nord, ce tribande vertical symbolise le soleil couchant sur la mer de Watten.

La Frise septentrional ou Nordfriesland (en allemand) est actuellement une région intégrée au Land de Schleswig-Holstein. Il s’agit comme son nom l’indique de la partie la plus au nord de la Frise. La Frise septentrionale est traditionnellement constituée de deux territoires distincts : une partie continentale et de nombreuses îles et presqu’îles, dont les principales sont Söl, Feer, Öömrang et Noordströön. Jusqu’en 1864, le Nordfriesland faisait partie du Danemark. Après avoir été conquis par l’Allemagne, trois districts sont créés : Südtondern, Husum et Eiderstedt. En 1970, les trois districts sont rassemblés en un seul, redonnant une cohérence historique à la Frise septentrionale. La langue frisonne est pratiquée dans cette région par 10 000 locuteurs. Elle compte de nombreuses variantes qui peuvent être classées en deux grands groupes : continental et insulaire. Ils correspondent à plusieurs phases de peuplement de cette contrée dont la première a lieu en l’an 700. Le Mooringer frasch, c’est à dire « Frison de Mooring » joue le rôle de lingua franca (langue de communication), même si à l’école les différentes variantes sont enseignées.

Focus sur la Frise oriental

Les Frisons de l’Est utilisent un tribande vertical de noir-rouge-bleu. Ce sont les couleurs des familles régnantes de Frise que l’on retrouve sur leurs armoiries.

La Frise orientale est restée une principauté autonome jusqu’en 1744. Elle se compose de quatre districts : Auerk, Emden, Lierre et Wittmund. Un peu plus à l’est se trouvent les districts de Freesland, de Wilhelmshaven et de Ammerland, historiquement liés à la Frise orientale qui, dans une perspective interfrisonne, ont leur rôle à jouer dans cet ensemble. 700 000 personnes vivent en Frise orientale. Les villes majeures sont Auerk, Emden, Lierre et Wilhelmshaven. Seule la région du Saterland (Seelterlound en frison) pratique la langue frisonne appelée saterlandais. L’autre langue autochtone pratiquée de nos jours est le bas-allemand dont la variante frisonne est particulière. Même si le sentiment d’appartenance des Frisons est fort dans cette région, ce n’est que dans les années 1990 qu’un réel mouvement commence à émerger. Et en 2007, un parti politique nommé Die Friesen se constitue afin de porter les idées frisonnes. En termes culturels, la Frise orientale, outre des paysages et des modes de vies particuliers, se distingue par la pratique d’un sport atypique : le Boßeln, où les joueurs doivent lancer une balle sur une distance de 10 km. Le joueur ayant effectué le moins de lancés gagne. La Frise orientale est connue pour sa culture du thé, au même titre que les Anglais. Cette activité a fait la richesse de la Frise et la convivialité frisonne n’est pas un vain mot. Tous les visiteurs y sont accueillis à l’heure du thé, matin, midi et soir.

Langues

Frysk, Frasch, Fraïsk..


Ce n’est pas une langue, mais plusieurs langues qui sont parlées en Frise. Le frison sous différentes formes est parlé dans l’ensemble du domaine frison. Il s’agit d’une langue germanique, lointaine cousine de l’anglais, dont on a retrouvé des traces écrites en runes datant du Ve siècle. Le bas-allemand ou bas-saxon est aussi parlé. Pour ce qui concerne le frison, on distingue trois îlots. L’un à l’ouest en province de Fryslân, l’autre au centre dans le Saterland et le dernier au nord en Frise septentrionale. À l’ouest, en province de Fryslân, il est parlé par 400 000 des 600 000 habitants. Aujourd’hui la langue est protégée (Convention sur la langue et la culture frisonnes de 2001) mais sa promotion demande encore des efforts pour sa pratique écrite, quoiqu’obligatoire dans l’enseignement primaire. Au centre de ce domaine, il est parlé par quelques milliers de personnes dans les quatre communes du Saterland. En Frise septentrionale, on évalue le nombre de locuteurs à environ 10 000, mais les différentes variétés linguistiques (sept) rendent difficile son enseignement. Sa sauvegarde dans cette région pourrait passer par l’utilisation d’un standard, qui tend à être aujourd’hui la variété de la région de Mooring. Ainsi les trois variétés de la langue frisonne auront un avenir certainement très différent. L’avenir du frison occidental est aujourd’hui assuré si les efforts et l’engouement de la population se confirment. En revanche, la faible protection dont bénéficient les deux variétés présentes sur le sol allemand risque de faire disparaître cette richesse à jamais.

Zoom politique

La Frise du Nord a été la première région de Frise à avoir un parti politique spécifique. L’Union des électeurs du Sud-Schleswig a été fondée en 1948. Il s’agit d’une représentation politique de la minorité danoise et frisonne dans le Land allemand de Schleswig-Holstein. Dans la province néerlandaise de Frise occidentale, le Parti nationaliste frison est fondé en 1962. Réalisant un score de 10 % aux élections provinciales, il dispose de cinq sièges et gouverne au sein de la coalition de gauche. Un deuxième parti politique de Frise occidentale vient d’être créé. Il s’agit de de Friezen.